L’avortement devrait être entièrement financé

Par Joyce Arthur

20 Octobre 2011

Au Canada, des activistes antichoix prétendent que le financement de l’avortement devrait être supprimé et que les femmes devraient payer elles-mêmes pour les soins d’avortement.  Mais c’est là une prise de position de droite qui fait fi du bon sens et des droits de la personne.  Interrompre le financement de l’avortement serait anticonstitutionnel, discriminatoire et nuisible aux femmes.  Les arguments suivants expliquent pourquoi (chaque argument est élaboré ici en anglais http://www.arcc-cdac.ca/action/abortion-funding.html avec des arguments détaillés, des preuves et des citations).

1.  La vie et la santé des femmes sont en jeu.  Le financement de l’avortement est nécessaire afin d’assurer que les droits des femmes à la vie et à la sécurité de la personne tels que décrits par la Charte des droits et libertés soient respectés.  La raison principale pour laquelle la Cour suprême a rejeté l’ancienne loi sur l’avortement en 1988 est que l’accès difficile à l’avortement et les périodes d’attente inutiles que comprenait cette loi augmentaient arbitrairement le risque dont la santé et la vie des femmes sont menacées.  Annuler le financement de l’avortement aurait le même effet et violerait la constitution de la même façon que l’ancienne loi sur l’avortement et ne ferait que donner plus d’importance aux politiques et aux idéologies qu’aux vies et à la santé des femmes.

2.  Les droits des femmes à la liberté et à la liberté de conscience tels que garantis par la Charte nécessitent que l’avortement soit financé.  Le gouvernement ne doit pas intervenir dans le processus décisionnel profondément personnel de la femme qui doit choisir entre donner naissance à un enfant ou non.  Le droit de choisir est intégral au droit à l’autonomie et à la vie privée.  Si le gouvernement ne finançait pas l’avortement, cela représenterait une atteinte au droit de la femme de choisir puisque le gouvernement financerait la naissance, mais pas l’avortement.  Le gouvernement serait également coupable de paternalisme envers les femmes en prenant officiellement position contre l’avortement.

3.  Puisque les femmes sont les seules à avoir besoin de l’avortement, le financement de l’avortement est nécessaire afin de garantir le droit des femmes à ne subir aucune discrimination.  Les politiques et les lois restrictives qui ne s’appliquent qu’à un seul genre violent les codes des droits de la personne qui assurent la protection contre la discrimination liée au genre.  Le droit des femmes à l’égalité tel que décrit par la Charte ne peut être appliqué sans accès sécuritaire, légal et entièrement financé à l’avortement.  Autrement, les femmes seraient subordonnées à leur fonction procréatrice alors que les hommes ne le sont pas.

4.  Le financement de l’avortement est crucial afin d’assurer la justice et l’égalité libre de toute discrimination liée au revenu.  Nous ne devons pas forcer les femmes à faibles revenus et autrement désavantagées à mener à terme des grossesses non voulues en raison de leur incapacité à payer les frais de l’avortement ou encore à retarder leurs avortements tandis qu’elles tentent d’amasser les fonds nécessaires.  Retarder l’accès à l’avortement augmente les dangers de complications, surtout quand le délai s’étend jusqu’au deuxième trimestre.  Les délais représentent une forme de punition qui prolonge inutilement le stress et l’inconfort de la femme.  L’avortement devrait avoir lieu le plus tôt possible et pour cela, l’avortement doit être entièrement financé.

5.  Le financement de l’avortement est rentable alors que les grossesses non voulues sont dispendieuses.  Les coûts médicaux liés à la naissance sont environ quatre fois ceux que nécessite l’avortement.  Les coûts sociaux des maternités non voulues sont prohibitifs.  De plus, le coût de l’avortement ne représente qu’une infime partie de ce que les contribuables versent aux soins de santé.

6.  Le financement de l’avortement sert à intégrer les soins d’avortement au système des soins de santé en général et à assurer l’intégralité des programmes de soins de santé reproductive, ce qui est essentiel.  Si l’avortement n’était pas financé, cela isolerait les soins d’avortement ainsi que les femmes qui en ont besoin et les médecins qui les offrent.  Cela mènerait sans doute à une augmentation de la stigmatisation, à des restrictions supplémentaires, à l’éventuelle marginalisation encore plus grande de l’avortement et à davantage de violence et de harcèlement antichoix.  Toutes ces choses sont arrivées aux États-Unis quand le financement de l’avortement a été retiré aux femmes pauvres par le Hyde Amendment, en 1973.

7.  Financer l’avortement est la bonne chose à faire, malgré l’opinion de certaines personnes selon laquelle l’avortement met fin à une vie humaine.  Il n’existe pas de consensus sur le statut moral du foetus et nos lois ne reconnaissent pas le statut de personne avant la naissance.  De toute manière, la plupart des Canadiens sont de l’avis que les droits de la femme sont prépondérants dans toutes ou presque toutes les circonstances puisque c’est sur elle que pèsent les risques que comporte la grossesse, que donner naissance à un enfant est une décision majeure qui comporte des conséquences permanentes et que les femmes devraient être en mesure de mener leurs propres vies et de suivre leurs propres ambitions outre la maternité.

8.  L’avortement légal est très sécuritaire et habituellement bénéfique aux femmes.  Les supposés « dangers » reliés à l’avortement tels que décrits par les activistes antichoix sont soit entièrement faux, soit grossièrement exagérés.  De tels arguments ne peuvent de toute façon pas justifier le retrait du financement puisque la grossesse et l’accouchement comportent en fait beaucoup plus de risques que l’avortement, comme c’est le cas de nombreuses interventions médicales financées par le gouvernement.  L’accès à l’avortement sécuritaire, légal et entièrement financé est également bénéfique aux femmes et aux familles, car il leur permet de continuer à vivre et à planifier l’arrivée des enfants qu’elles auront plus tard, quand elles seront prêtes à en prendre soin.

9.  Les sondages démontrant que la majorité des gens sondés ne veulent pas contribuer à financer l’avortement sont trompeurs et ne sont pas pertinents.  Les opinions des gens sondés ont été manipulées par de la désinformation antichoix ainsi que par les préjugés qui perdurent contre les femmes qui se font avorter.  De toute façon, les gens sondés n’ont pas l’autorité de dicter quels soins médicaux financer.  Ce rôle revient aux provinces et aux groupes médicaux.  Les droits et libertés fondamentaux des femmes ne doivent pas être soumis à un vote à la majorité.

10. L’avortement doit être financé, car il ne s’agit pas d’une opération à froid, pas plus que donner naissance.  Les grossesses sont incontournables; les femmes enceintes ne peuvent pas tout simplement annuler leur grossesse.  Une fois enceintes, elles doivent choisir entre donner naissance et avoir un avortement.  Les deux options doivent être reconnues comme étant médicalement nécessaires et entièrement financées l’une comme l’autre afin de protéger les droits et la santé des femmes.

11. Les activistes antichoix disent souvent que « la grossesse n’est pas une maladie » et qu’il ne devrait donc pas être financé.  Le même argument pourrait être avancé concernant l’accouchement, puisqu’il n’y a pas de raisons médicales justifiant le fait de tomber enceintes et d’avoir un enfant.  Mais surtout, la santé n’est pas que l’absence de maladie.  La santé est un état de bien-être général.  Les femmes qui ont des grossesses non voulues ne sont pas en bonne santé.  Leurs avortements devraient donc être financés.