La clinique Morgentaler à Fredericton sera fermée
April 10, 2014
Ci-dessous, un communiqué de presse préparée par la clinique Morgentaler à Fredericton.In English: http://www.arcc-cdac.ca/action/NB-clinic-closure.html
La Clinique Morgentaler de Fredericton – Fiche d’information
Dès que le docteur Morgentaler a annoncé son intention d’ouvrir une clinique d’avortement à Fredericton, le gouvernement provincial a tenté de contrecarrer ses efforts. Le premier ministre de l’époque, monsieur Frank McKenna, a déclaré que : « si monsieur Morgentaler essaie d’ouvrir une clinique dans la province du Nouveau-Brunswick, il se dirige vers le combat de sa vie. » Les gouvernements suivants ont continué de bloquer l’accès aux services d’avortement dans la province.
Le docteur Morgentaler a fait fi de ces menaces. Il avait déjà survécu à la prison, à des menaces de mort et au bombardement de sa clinique à Toronto. Les actions du gouvernement du Nouveau-Brunswick n’ont fait qu’accroître sa détermination à assurer aux femmes de la province un accès à des avortements sécuritaires dans sa clinique. Il s’est aussi assuré qu’aucune femme ne se verrait refuser l’accès à un avortement pour des raisons financières. La Clinique Morgentaler a ouvert ses portes en juin 1994 et a depuis offert des services d’avortement à plus de 10 000 femmes, et ce, dans un environnement professionnel, selon des techniques éprouvées et sans jugement.
La principale embûche posée par le gouvernement Nouveau-Brunswick pour les femmes de la province est, et demeure encore aujourd’hui, l’alinéa a.1 de l’annexe 2 du Règlement 84-20. Ce règlement stipule qu’un avortement ne peut être couvert par le régime d’assurance-maladie que :
- s’il est effectué dans un hôpital par un spécialiste en obstétrique ou en gynécologie, et si
- deux médecins ont certifié par écrit que l’intervention est « médicalement nécessaire ».
Note : Ni le gouvernement fédéral ni les tribunaux n’ont défini ce que « médicalement nécessaire » signifie, autrement que par la définition peu aidante de la Loi canadienne sur la santé selon laquelle « est médicalement nécessaire tout acte effectué par un médecin ». Ce sont les provinces qui déterminent ce qui est médicalement nécessaire aux termes de la Loi en établissant la liste des services qui sont assurés, et donc automatiquement considérés comme étant médicalement requis. En matière d’avortement, ceci ne veut pas dire « seulement en cas de menace pour la mère ou pour le fœtus ». Le Nouveau-Brunswick reconnaît que l’avortement est une intervention « médicalement nécessaire » en le permettant dans certains hôpitaux. Cette même définition s’applique aux cliniques.
La conséquence concrète de cette réglementation est que, contrairement à toutes les autres provinces du pays qui ont des cliniques d’avortement indépendantes, les avortements effectués à la Clinique Morgentaler de Fredericton ne sont pas couverts par le régime d’assurance-maladie de la province.
Plusieurs femmes qui recourent à l’avortement à la Clinique ne peuvent pas le payer. Le soutien financier offert provient principalement de la Clinique et la National Abortion Federation offre pour sa part un soutien financier limité. Le montant d’aide financière offert par la Clinique démontre de façon éloquente l’impact du Règlement 84-20 pour les femmes qui reçoivent de l’aide sociale, les femmes monoparentales qui travaillent au salaire minimum, les étudiantes qui n’ont pas de revenu ou encore pour les femmes victimes de violence conjugale.
Après 20 ans d’existence, la Clinique Morgentaler fermera ses portes, alors que la réglementation 84-20 demeure en vigueur. Les femmes du Nouveau-Brunswick n’auront donc plus l’option de recourir à l’avortement sans avoir à répondre à des exigences discriminatoires et injustifiables au plan médical.
Si la province avait financé les avortements pratiqués à la Clinique, ou payé pour les femmes qui sont dans l’impossibilité de le faire, la Clinique ne fermerait pas ses portes aujourd’hui. Pour noircir encore plus le tableau, la réglementation 84-20 empêche la majorité des femmes de la province d’avoir accès aux services d’avortement dans un des deux hôpitaux où le service est disponible. Voici pourquoi :
- Plusieurs femmes n’ont pas de médecin de famille.
- Plusieurs femmes ont un médecin de famille qui n’est pas pro-choix et qui ne fera pas de référence. (Ces mêmes médecins, dont certains très influents, peuvent refuser de prescrire des contraceptifs à leurs patientes.)
- Les hôpitaux ont de longues listes d’attente. En résulte souvent que les femmes dépasseront la limite de grossesse de 14 semaines, les privant ainsi de leur droit à l’avortement.
- L’obligation d’avoir deux rendez-vous médicaux différents accroit les difficultés pour les femmes qui doivent faire garder leurs enfants, s’absenter du travail ou trouver quelqu’un pour les conduire.
- Les femmes sont préoccupées par le manque de confidentialité dans les hôpitaux, notamment dans les petites communautés.
La Clinique Morgentaler cesse ses opérations pour les raisons suivantes :
- Plusieurs femmes ne sont pas en mesure de payer leur avortement. Conséquemment, les revenus de la Clinique n’ont jamais couvert les dépenses. Le manque à gagner était compensé par le docteur Morgentaler personnellement. Dans les derniers 10 ans, la Clinique a contribué plus de 105 400 $ pour financer les avortements pour les femmes incapables de payer la totalité des coûts.
- L’inondation de 2008 a causé des dommages de plus de 100 000 $ à la Clinique. Plusieurs des commerces du centre-ville ont reçu des compensations, mais la clinique s’est vu refuser tout dédommagement en raison du fait que son propriétaire n’était pas un résident du Nouveau-Brunswick. Si le docteur Morgentaler n’avait pas payé les réparations requises pour garder la Clinique en activité, la Clinique aurait fermé ses portes en 2008.
- La Clinique ne peut pas continuer d’offrir des services d’avortement sans que ceux-ci soient financés à même des fonds publics.
Ce que signifie la fermeture pour les femmes du Nouveau-Brunswick
La plupart des femmes ne seront pas en mesure d’avoir accès à un avortement financé par l’état dans un hôpital du Nouveau-Brunswick. La seule option pour elles sera de sortir de la province pour obtenir un avortement dans les cliniques du Québec, de l’Ontario ou du Maine. Si elles ne peuvent pas payer 700 $ aujourd’hui au Nouveau-Brunswick, il est peu probable qu’elles aient les moyens nécessaires pour voyager à l’extérieur de la province, payer l’avortement et les frais d’hôtel, de repas et de garde d’enfants. De plus, les résidentes du Nouveau-Brunswick qui obtiennent un avortement à l’extérieur de la province devront le payer elles-mêmes, car le Nouveau-Brunswick exclut l’avortement de l’entente interprovinciale sur la facturation réciproque. Si une femme déménage dans une autre province et y obtient un avortement, elle devra aussi le payer de sa poche, jusqu’au moment où elle deviendra résidente permanente de cette autre province. Les femmes dont la grossesse est à plus de 16 semaines, période limite pour obtenir un avortement à la Clinique, n’auront plus accès à l’aide de la Clinique pour obtenir le service dans une autre province où les avortements de plus de 16 semaines de grossesse sont pratiqués.
La Solution
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick devrait s’arrimer au reste du Canada. Le gouvernement doit abroger le Règlement 84/20. Il l’a adopté en deux temps trois mouvements, il devrait le retirer en deux temps trois mouvements. L’accès à l’avortement dans les hôpitaux doit être amélioré partout dans la province. Les femmes du Nouveau-Brunswick devraient recevoir les mêmes soins que les femmes canadiennes en matière de santé reproductive. Le refus d’offrir des services d’avortement constitue un abus de pouvoir et démontre un manque flagrant de considération envers la santé des femmes. Le fait que les femmes cherchent sur Internet pour trouver des solutions à une grossesse non planifiée est préoccupant. Souhaitons-nous vraiment retourner à l’époque où les femmes mourraient des suites d’un avortement raté ou provoqué par elles-mêmes?
Le gouvernement doit désigner et financer de multiples points de services à travers la province où les femmes pourraient trouver les informations détaillées et rigoureuses dont elles ont besoin pour décider de façon éclairée de poursuivre ou non une grossesse. Ces points de services doivent offrir des informations de façon confidentielle et respectueuse. Laisser les femmes à la merci des informations erronées et du harcèlement du mouvement anti-choix pourrait, sinon, avoir des conséquences désastreuses en matière de santé publique.
La devise du docteur Morgentaler était : « Toute mère doit être mère par choix, tout enfant doit être un enfant désiré ». S’il pouvait faire en sorte que ceci soit possible pour les femmes et leurs familles, le gouvernement du Nouveau-Brunswick peut certainement le faire aussi.
Pour plus d’informations :
Simone Leibovitch, directrice de la Clinique Morgentaler, 506-451-5060
Pour de plus amples informations sur la situation au Nouveau-Brunswick, visitez le site Web de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada au www.arcc-cdac.ca.