Points saillants contre le projet de « Loi sur les enfants non encore nés victimes d’actes criminels » (C-484)
Par la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada, ARCC-CDAC (http://www.arcc-cdac.ca/fr/home.html)
Le 6 mai 2008
Ce projet de loi d’initiative parlementaire a été présenté par le conservateur Ken Epp (Edmonton — Sherwood Park) en octobre 2007. Le projet de loi C-484 a franchi, par une faible marge, l’étape de la deuxième lecture au Parlement, le 5 mars. Vous trouverez le texte du projet à l’adresse suivante : http://www2.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Docid=3127600&file=4. Cette loi amenderait le Code criminel de façon à permettre des accusations d’homicide séparées en cas de mort d’un fœtus quand une femme enceinte est attaquée.
Si ce projet était adopté, il constituerait une atteinte inconstitutionnelle aux droits de la femme et entraînerait probablement des problèmes pour les femmes enceintes. Ce serait aussi une étape importante vers la recriminalisation de l’avortement et, de plus, pourrait criminaliser certaines femmes enceintes pour des comportements perçus comme étant dangereux pour leur fœtus.
Voici 14 arguments contre ce projet de loi :
1. Le fait d’accorder le statut légal de personne au foetus entre en conflit avec le Code criminel : Une telle loi accorderait un genre de statut de personne aux foetus. Ce changement contredit le Code criminel qui contient actuellement une disposition selon laquelle le foetus ne devient un être humain qu’après être complètement sorti, vivant, du sein de sa mère (article 223-1). De plus, par une telle loi, on essayerait d’amender la Partie VIII du Code intitulée « Infractions contre la personne et la réputation ».Cependant, le foetus n’étant pas une personne légale aux yeux de la loi, il ne peut et ne doit être visé par cet article. Malgré cela, le projet de loi tente explicitement de déroger à la définition d’être humain du Code criminel en désavouant la défense selon laquelle « l’enfant » n’est pas un être humain.
2. Nous devons faire face au problème de la violence conjugale contre les femmes enceintes : Ce projet de loi détourne l’attention du principal problème, soit la violence conjugale contre les femmes enceintes. Quand les médias se concentrent sur le fœtus de la victime, la femme enceinte est oubliée. Le meurtre est la deuxième cause en importance de décès dus à des blessures chez les femmes enceintes ou récemment accouchées (aux États-Unis), et la violence contre les femmes augmente pendant la grossesse. Ce qu’il faut, plutôt que ce projet de loi, ce sont de meilleures mesures pour réduire la violence contre les femmes enceintes. (http://www.medicalnewstoday.com/articles/20316.php)
3. Le projet de loi ne protège pas les femmes, seulement les fœtus : Selon ce projet de loi, le fait de s’attaquer à une femme enceinte ne constitue pas un crime; le projet concerne strictement le fœtus. De plus, M. Epp limite son attention aux fœtus voulus. (Il a dit qu’il s’agissait de protéger le choix d’une femme de donner naissance à son enfant. [http://kenepp.com/newsroom/insidepage.asp?ID=69]) Cependant, les femmes qui ont accouché récemment, qui ont eu un avortement ou qui voudraient en avoir un, risquent elles aussi d’être victimes de violence conjugale. Le projet néglige entièrement ces femmes. La meilleure façon de protéger les fœtus est, de loin, de protéger les femmes enceintes, leurs seules gardiennes. Nous devons fournir aux femmes enceintes le soutien et les ressources dont elles ont besoin pour mener à bien leur grossesse, y compris des mesures de protection contre la violence conjugale.
4. Ce projet de loi n’a pas de fondement rationnel ou de valeur probante : C’est un projet de loi qui ne vise qu’à satisfaire des besoins émotifs et le désir de vengeance et de punition. Il n’y a aucune preuve qu’une telle loi réussirait à prévenir la violence ou aurait quelque autre effet bénéfique. Les lois sur l’« homicide fœtal » adoptées aux É.-U. n’ont rien fait pour réduire la violence conjugale contre les femmes enceintes ou même les fœtus. (http://advocatesforpregnantwomen.org/whats_new/sc_womens_health_coalition_members_speak_the_truth_about_scs.php) En plus, le projet exploite le chagrin des familles pour promouvoir la reconnaissance de droits pour les fœtus.
5. Le projet de loi permettra d’accorder au foetus le statut légal de personne et, ce faisant, de recriminaliser l’avortement : Malgré ce qui est présenté comme un but restreint du projet de loi, son effet réel ne sera pas de protéger les femmes, mais bien d’accorder au foetus un statut légal de personne, comme premier pas d’une recriminalisation de l’avortement. Le projet de loi a été présenté et défendu par des groupes et des individus anti-choix (par ex. Campaign Life Coalition, Campagne Québec-Vie, des députés conservateurs opposés à l’avortement, Margaret Somerville, etc.). De plus, tout le langage utilisé dans le projet de loi est anti-choix : la femme est une « mère », le foetus est un « enfant » ou un « enfant non encore né »; en fait, le projet de loi va jusqu’à inclure l’embryon dans sa définition de l’expression « enfant non encore né » et il nie explicitement la définition de l’« être humain » présentement inscrite dans notre Code criminel. D’ailleurs, cette expression « enfant non encore né » n’apparaît qu’une fois, à l’article 238 dans le Code, et c’est dans le contexte de quelqu’un qui tuerait un foetus «au cours de la mise au monde», ce qui est très différent de donner un statut de personne à des embryons. Le langage utilisé dans le projet de loi C-484 est bel et bien sans précédent, puisqu’il se sert de l’expression «enfant non encore né» pour parler des stades initiaux des grossesses, dès qu’une femme soupçonne qu’elle est peut-être enceinte. Le projet s’inspire d’autres projets semblables conçus et adoptés aux États-Unis par des groupes et des législateurs anti-choix. En Caroline du Sud, les législateurs anti-choix ont annoncé explicitement leur intention d’utiliser la loi sur l’homicide fœtal comme fondement juridique d’une tentative d’invalider le célèbre arrêt « Roe c. Wade » de la Cour suprême américaine, qui a donné lieu à la légalisation de l’avortement aux États-Unis. (http://advocatesforpregnantwomen.org/whats_new/sc_womens_health_coalition_members_speak_the_truth_about_scs.php)
6. Le projet de loi entre en conflit avec les droits des femmes et leur droit à l’égalité garantis par la Charte canadienne des droits et libertés : Notre Cour suprême a statué qu’une femme et son fœtus sont considérés comme « une seule personne physique » en vertu de la loi (Dobson c. Dobson (http://scc.lexum.umontreal.ca/fr/1999/1999rcs2-753/1999rcs2-753.html), et que les droits en cause sont donc ceux de la femme enceinte. Il serait extrêmement difficile d’accorder aux fœtus une reconnaissance légale sans compromettre, d’une façon ou d’une autre, les droits acquis des femmes.
7. Dissocier au plan juridique la femme de son fœtus crée un préjudice : Créer une séparation d’ordre juridique entre la femme et son fœtus peut donner lieu à une relation nuisible et d’adversité entre ceux-ci. En cas de conflit d’intérêts, l’un des deux ou les deux pourraient être mis en danger par une telle loi. Par exemple, si une femme enceinte est menacée d’arrestation pour toxicomanie, elle pourrait être moins portée à rechercher des soins prénatals. (http://advocatesforpregnantwomen.org/issues/punishment_of_pregnant_women/prosecuting_mothers_wont_protect_our_children.php)
8. Le projet de loi crée une contradiction et une confusion dans la loi en opposant les droits du fœtus à ceux de la femme enceinte et en contredisant implicitement le droit à l’avortement. Si un fœtus acquiert un statut légal de personne et, par conséquent, le droit de ne pas être tué, comment l’avortement peut-il échapper à la loi? Et comment les femmes enceintes ayant des comportements susceptibles d’être perçus comme étant dangereux pour le fœtus pourraient-elles aussi échapper à la loi? Une telle loi ouvrirait la voie à des risques d’accusations contre les femmes qui mettent leur fœtus en danger ou qui s’avortent elles-mêmes, comme cela se fait déjà à certains endroits aux États-Unis.
9. Des femmes enceintes ont été arrêtées aux É.-U. en vertu de lois contre l’homicide fœtal : Trente-sept États ont approuvé des lois de protection des fœtus qui rendent criminel le fait de faire du mal à un fœtus. (http://www.stateline.org/live/details/story?contentId=135873) Mais, lorsque de telles lois existent, il a été démontré que les femmes enceintes risquent plus d’être punies pour des comportements et des problèmes qui ne sont pas jugés criminels chez d’autres personnes, l’abus de drogues ou d’alcool, par exemple, ou la maladie mentale. (http://www.advocatesforpregnantwomen.org/issues/unborn_victims_of_violence_act/) En outre, des femmes ont été accusées ou incarcérées pour meurtre après avoir donné naissance à un enfant mort-né après le refus d’une césarienne ou simplement pour avoir donné naissance à un enfant mort-né. Certains États ont même proposé de punir les femmes enceintes qui vivent une situation de violence conjugale mais n’arrivent pas à quitter leur partenaire. Les cas les plus graves se sont déroulés en Caroline du Sud où près de 100 femmes enceintes vivant un problème de toxicomanie ont été arrêtées en vertu de la loi contre l’homicide fœtal, même s’il était presque impossible pour elles d’avoir accès à un programme de traitement. Entre-temps, dans le même État et en vertu de la même loi, un seul homme a été arrêté pour avoir tué une femme enceinte. (http://www.advocatesforpregnantwomen.org/issues/unborn_victims_of_violence_act/)
10. Les exemptions inscrites au projet de loi pour les femmes enceintes risquent de s’avérer insuffisantes : Le projet de loi de M. Epp exclut spécifiquement l’application de la Loi aux femmes enceintes, ainsi que l’avortement. Cependant, on a vu aux États-Unis des femmes enceintes être arrêtées au nom de lois étatiques contre l’« homicide fœtal », même lorsque ces lois en exemptaient les femmes enceintes elles-mêmes. Par exemple, des femmes enceintes ayant des problèmes de toxicomanie ont été arrêtées et poursuivies pour « meurtre » ou « agression » de leur fœtus en Pennsylvanie, au Texas, au Missouri et en Californie, malgré des lois qui étaient censées exempter les femmes enceintes de toute responsabilité criminelle. Finalement, même si le projet de loi C-484 n’est pas lui-même utilisé contre l’avortement ou contre des femmes enceintes, il demeure que toute autre loi canadienne pourrait être interprétée de façon à inclure les foetus comme personnes, en s’autorisant du projet de loi C-484. Cela arrive couramment aux États-Unis ou les lois contre l’homicide foetal sont citées comme autorité justifiant l’arrestation de femmes enceintes en vertu de lois contre la mise en danger d’enfants ou de lois interdisant l’administration de drogues à des mineurs. (http://www.tompaine.com/Archive/scontent/10189.html) Les femmes des États-Unis ont été et continuent à être la cible prioritaire des lois sur l’« homicide fœtal » parce que ces lois ont pour effet de déshumaniser les femmes en plaçant les droits fœtaux au-dessus des droits des femmes. Cela encourage les forces policières et les procureurs à imposer de cruelles mesures punitives à des femmes enceintes au nom de ce qu’ils perçoivent comme une inconduite ou des activités illégales. Le projet de loi de M. Epp compromet de la même façon les droits des femmes, en instituant un conflit juridique entre le statut de personne des femmes et celui prêté aux fœtus.
11. Les gens qui aident une femme à avorter pourraient être poursuivis : Si une femme enceinte tente de s’avorter elle-même illégalement, toute personne qui lui vient en aide (un partenaire, par exemple) peut être poursuivie. De plus, si un fournisseur d’avortement fait la moindre erreur dans le contexte de la pratique d’un avortement – une légère infraction administrative, par exemple –, la procédure peut être jugée illégale et le pourvoyeur, être poursuivi. En 2005, un adolescent du Texas, Gerardo Flores (http://www.siecusdc.net/policy/PUpdates/pdate0186.html), a été reconnu coupable de deux meurtres et a été condamné à la prison à perpétuité pour avoir aidé son amie à mettre fin à sa grossesse de 5 mois; elle attendait des jumeaux. À l’époque, des législateurs anti-choix ont dit regretter que la loi texane ne permette pas de poursuivre la jeune femme également. C’est par désespoir que ces jeunes avaient décidé de procéder eux-mêmes à un avortement; en effet, le Texas venait de décider d’interdire les avortements pratiqués après 16 semaines de gestation. Cet exemple démontre jusqu’à quel point des lois contre l’homicide fœtal peuvent gravement nuire au droit à l’avortement.
12. Les sondages ne reflètent ni la justice, ni une opinion éclairée : Un nouveau sondage fait pour un groupe anti-choix (Vie Canada, http://www.ccrl.ca/index.php?id=4889) a indiqué que 72 % des répondants étaient en faveur d’une loi qui considérerait comme deux crimes distincts le fait d’agresser une femme enceinte et, ce faisant, de blesser ou de tuer un fœtus. Cependant, beaucoup de gens ne sont pas conscients de la stratégie contre l’avortement qui se cache derrière ce projet politique, ou qu‘une telle loi pourrait faire du mal aux femmes enceintes. Le public serait probablement beaucoup moins prêt à soutenir une loi contre l’homicide fœtal s’il en comprenait les vraies conséquences.
13. Ce n’est pas aux familles des victimes de déterminer les recours judiciaires : Certaines familles de victimes ont réclamé une loi contre l’homicide fœtal. Malgré toute notre sympathie pour elles et même si nous comprenons leur souhait, il faut reconnaître que ces familles ne sont pas les mieux placées pour dispenser la justice dans une société démocratique. Des lois et des pénalités appropriées doivent être déterminées par des instances neutres, qui ne laissent pas les émotions ou un parti pris influer sur leurs décisions, et ce, pour protéger les droits démocratiques de toutes et de tous, y compris ceux des personnes accusées.
14. Nous pourrions, par contre, sanctionner plus sévèrement les attaques dirigées contre les femmes enceintes : Les condamnations pour double meurtre donnent lieu à des sentences purgées simultanément au Canada. C’est dire que ce projet de loi ne permettra pas de punir plus sévèrement les agresseurs, d’où sa relative inutilité. Par contre, il existe déjà des mesures d’adaptation du traitement judiciaire sanctionnant de telles causes. Les procureurs pourraient porter des accusations plus sévères, comme celles de meurtre au premier degré ou de voies de fait graves. Les juges pourraient imposer des sanctions plus sévères, et la commission des libérations conditionnelles pourrait refuser la libération aux personnes trouvées coupables. Il serait même possible de promulguer des lois imposant des pénalités plus sévères pour les agressions dirigées contre les femmes enceintes, comme l’ont fait 13 États américains (http://www.stateline.org/live/details/story?contentId=135873). Ces mesures feraient régner la justice sans menacer le droit à l’avortement et protégeraient les droits de toutes les femmes enceintes.
Adressez SVP une lettre à votre député-e pour démontrer votre opposition au projet de loi d’initiative parlementaire C-484: http://www.arcc-cdac.ca/fr/action/C484-lettre-depute.html
Veuillez signer notre pétition: Rejetez la « Loi sur les enfants non encore nés victimes d’actes criminels »: http://www.gopetition.com/petitions/oppose-bill-c-484.html
Rejetez le Projet C-484 « Loi sur les enfants non encore nés victimes d’actes criminels » Engagez-vous ici! : http://www.arcc-cdac.ca/fr/c484.html
Vous pourrez trouver le présent document à l’adresse : http://www.arcc-cdac.ca/fr/action/c-484-points-saillants.htm